Bilan de la recherche après les attentats de 2015

Peu de temps après les attentats du 13 novembre 2015 en Ile-de-France, les services de soins impliqués dans la prise en charge des victimes se sont interrogés sur leurs organisations, dans le but de les améliorer. Conscients que les leçons qu’ils en tiraient devaient être communiquées à leurs collègues, ils ont commis de nombreux articles pédagogiques, prenant les formes de retours d’expérience (RETEX)01 de point de vue, d’éditoriaux.

Concomitamment, ces mêmes services ont cherché à décrire et analyser objectivement , c’est-à-dire sur la base de faits et non d’une simple perception, les blessures et les prises en charge des blessés. Le but poursuivi était d’améliorer les connaissances disponibles à l’époque, elles-mêmes fruit d’une analyse objective des précédents théâtres d’actes terroristes (Londres, Madrid, Mumbay, Utoya, Boston, …). La démarche a été initiée par un comité de pilotage, dirigé par les Professeurs Bruno Riou et Mathieu Raux de la faculté de médecine Sorbonne Université, regroupant des représentants de l’ensemble des services ayant contribué à la réponse à ces actes terroristes (Service Médical du RAID, SAMU, Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, services d’urgence, services d’anesthésie réanimation, services de chirurgie, Service de santé des armées, Établissement français du sang, Institut médico-légal). Au terme d’une collection de données exhaustive, quatre axes de travail ont été initiés, débouchant sur autant de publications dans des revues internationales à comité de lecture signées par des personnels de Sorbonne Université.

Le premier de ces travaux a mis en évidence l’impact du processus lésionnel sur la sévérité des blessures et les prises en charge des victimes. L’article qui en a été tiré 02 a démontré le caractère plus vulnérant et occasionnant des blessures nécessitant des ressources médicales plus importantes pour les victimes de fusils d’assaut comparativement aux victimes d’explosifs.

Le deuxième travail a étudié la consommation des produits sanguins labiles (globules rouges, plasma, plaquettes) nécessaires pour compenser les pertes liées aux multiples lésions hémorragiques. L’article relatant l’analyse et ses résultats 03 a montré que les trois quarts des besoins transfusionnels étaient exprimés au cours des premières 24 heures, avec des besoins qui commençaient moins d’une heure après l’arrivée des patients les plus graves, plaidant pour un stock disponible en permanence plutôt que pour des dons massifs au lendemain des évènements, dans le cadre d’un processus de résilience.

Soucieux d’évaluer la pertinence des priorisations des prises en charge décidées le 13 novembre 2015, le groupe de travail a montré que la priorisation selon une règle binaire (urgence absolue/urgence relative) était à la fois simple à utiliser, appropriée et probablement plus performante que les scores jusqu’à maintenant proposés. Elle reste toutefois perfectible, les axes d’amélioration ayant été identifiés et notifiés dans l’article correspondant 04.

Les conséquences infectieuses des lésions par les projectiles à haute vélocité ont été analysées afin de décrire l’évolution à moyen terme, en portant une attention particulière aux bactéries impliquées. Les auteurs de ce quatrième article 05 ont démontré que ces infections concernaient environ un patient sur huit, et survenaient en moyenne au dixième jour.

Les travaux de recherche sur les patients et les prises en charge ont été complétés par une analyse des organisations. La première de ces analyses a été conduite par des chercheurs de la Harvard Business School et a pris la forme d’un cas pratique 06. Par la suite, un consortium international de recherche, auquel appartient le Professeur Mathieu Raux, a analysé les réponses opérationnelles des centres hospitaliers impliqués dans la prise en charge de 17 attentats terroristes, dont les centres franciliens ayant pris en charge les victimes du 13 novembre 2015. Dans leur publication 07, ils mettent en évidence la facilité à mobiliser les personnels, ainsi que les difficultés de communication, de coordination, de sécurisation et de connaissance des procédures de soins.

  1.     Numéro spécial de retour d'expérience des attentats du 13 novembre 2015. Ann Fr Med Urgence 2016; 16: N°1. https://afm
  2.     Raux M, Carli P, Lapostolle F, Langlois M, Yordanov Y, Feral-Pierssens A-L, et al. Analysis of the medical response to November 2015 Paris terrorist attacks: resource utilization according to the cause of injury. Intensive Care Med. 2019;45(9):1231‑40.
  3.     Martinez T, François A, Pouget T, Carli P, Lapostolle F, Gauss T, et al. Blood product needs and transfusion timelines for the multisite massive Paris 2015 terrorist attack: A retrospective analysis. J Trauma Acute Care Surg. 2020;89(3):496‑504.
  4.     James A, Yordanov Y, Ausset S, Langlois M, Tourtier J-P, Carli P, et al. Assessment of the mass casualty triage during the November 2015 Paris area terrorist attacks: towards a simple triage rule. Eur J Med. 2021;28(2):136‑43.
  5.     Birnbaum R, Bitton R, Pirracchio R, Féral-Pierssens A-L, Constant A-L, Dubost C, et al. Terror in Paris: Incidence and risk factors for infections related to high-energy ammunition injuries. Anaesth Crit Care Pain Med. 2021;40(4):100908.
  6.     Leonard HB, Billaud E, Howitt AM. Ce soir-là, Ils n’arrivent plus un par un, mais par vagues: coping with the surge of trauma patients at l’Hôpital universitaire La Pitié Salpêtrière-Friday, November 13, 2015 [Internet]. Harvard Business School; 2018 July p. 1‑15. Report No.: 319032-PDF-ENG.
  7.     Tallach R, Einav S, Brohi K, Abayajeewa K, Abback P-S, Aylwin C, et al. Learning from terrorist mass casualty incidents: a global survey. British Journal of Anaesthesia. nov 2021;S0007091221006371.