Alexandra Durr

Alexandra Durr

Porteuse d’espoir en neurogénétique

Médecin avant tout, mon objectif premier est de soigner les patients. La recherche nourrit ma pratique.

Spécialiste de renommée mondiale des maladies neurologiques héréditaires, Alexandra Durr est professeure universitaire et praticienne hospitalière en génétique médicale à la faculté de Médecine et à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière. Depuis 25 ans, elle développe ses recherches en neurogénétique à partir d’une expertise clinique qui lui permet d'identifier les bases moléculaires de nombreuses pathologies. Elle a reçu cette année le prix Lamonica de neurologie, grand prix de l’Académie des sciences.

Vous avez reçu le prix Lamonica de neurologie. Sur quoi portent les travaux pour lesquels vous avez été récompensée ?

Alexandra Durr : Dans le projet de recherche présenté pour ce prix, je m’intéresse à la phase présymptomatique de la maladie de Huntington. Chef de ligne des affections neurodégénératives héréditaires, la maladie de Huntington débute généralement entre 30 et 50 ans et se manifeste par des troubles moteurs, cognitifs et psychiatriques qui s’aggravent progressivement jusqu’à la perte d’autonomie.

Je propose, dans ce projet de recherche, une hypothèse nouvelle pour expliquer le développement de la maladie. Alors que la majorité des pistes de recherche actuelles présupposent que la maladie serait due à une atteinte de la matière grise, une étude internationale a montré que les individus porteurs de la mutation génétique développaient, bien avant le début des troubles, une atrophie de la substance blanche*. 

A travers cette nouvelle approche, je cherche donc à étudier le rôle, dans le développement de la maladie, des anomalies de la substance blanche, et en particulier des oligodendrocytes qui servent de support énergétique aux neurones.

Vous êtes spécialiste des maladies neurodégénératives héréditaires. Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser à ces affections rares ?

A.D. : Dans la plupart des maladies neurodégénératives, nous ne connaissons pas l’origine de l’affection. En revanche, dans les pathologies héréditaires sur lesquelles j’ai choisi de travailler, la cause de la maladie est, dans de nombreux cas, clairement identifiée et correspond à une mutation d’un gène spécifique. De ce fait, des tests génétiques permettent aujourd’hui de prédire si un individu développera ou non ce type de maladie, et cela bien avant l’apparition des premiers symptômes.

En suivant sur un temps long, les patients porteurs de la mutation génétique, durant la phase présymptomatique de la maladie, nous observons les processus cérébraux qui se mettent en place progressivement. Cela permet d'étudier les mécanismes en jeu dans la dégénérescence cérébrale. Ces connaissances pourraient à terme nous être utiles pour mieux comprendre les autres maladies neurologiques plus fréquentes comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.

Vous êtes à la fois chercheur et praticien hospitalier. Comment vos missions de soin et d’enseignement nourrissent votre recherche ?

A.D. : Je fais des aller-retour permanents entre mes activités de soignante et mes projets de recherche. Médecin avant tout, mon objectif premier est de soigner les patients. La recherche nourrit ma pratique. Elle me permet de mieux connaître les troubles dont souffrent mes patients et de participer au développement de traitement contre ces maladies encore incurables. Réciproquement, le travail clinique que je réalise en tant que médecin alimente directement mes travaux. Les patients, qui sont les experts au jour le jour de leur maladie, m’apportent de précieux indices sur l’affection.

Quant à l’enseignement, il permet de passer le flambeau et de transmettre aux futurs médecins le fruit de ces recherches pour qu’ils continuent de les faire avancer.

Vous avez monté la première consultation de diagnostic présymptomatique en France pour les maladies neurologiques héréditaires avec Josué Feingold et Marcela Gargiulo. Quel est l’objectif de cette consultation ?  

A.D. : Lorsque le test génétique de diagnostic présymptomatique de la maladie de Huntington a été envisagé, nous avons été les premiers en France à proposer, dès 1992, une consultation de ce type. Elle s’adresse à des personnes ayant un parent atteint de la maladie et associe, dans une prise en charge globale, généticien, conseiller en génétique, psychologues, psychiatre et assistante sociale. En l’absence de traitement préventif, cette équipe pluridisciplinaire accompagne les patients dans leur choix de savoir ou de ne pas savoir s’ils sont porteurs ou non de la mutation, puis dans l’annonce de leur résultat.  

Est-ce que vos recherches peuvent déboucher sur la mise en place de traitements pour ces maladies aujourd’hui incurables ?

A.D. : Oui bien sûr, le but final de mes recherches est de réussir à proposer aux porteurs de ces mutations génétiques des traitements en phase présymptomatique afin qu’ils ne développent jamais la maladie.

Aujourd’hui, la recherche n’a jamais été aussi dynamique. Un essai clinique incluant notre site va d’ailleurs commencer pour tester un traitement qui utilise de nouveaux outils génétiques permettant de diminuer la production de la protéine mutée et donc la progression de la maladie. C’est enfin un premier espoir pour les patients.

Pour en savoir + :  Equipe « Bases moléculaires, physiopathologie et traitement des maladies neurodégénératives » 


*La substance blanche est composée de fibres nerveuses qui connectent entre elles différentes aires de la substance grise où se situent les corps cellulaires des neurones.