Arnaud Petit

Arnaud Petit, médecin et porteur du projet « Drôles de patients pour futurs médecins »

Ici le mot d’ordre est « jamais la première fois sur le patient » pour l’apprentissage des gestes invasifs

Présentez-nous votre travail et votre projet.

Je suis professeur des universités en pédiatrie à Sorbonne Université et praticien hospitalier dans le service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique à l’hôpital Armand Trousseau. Depuis 2012, on m’a confié la mission de développer la simulation en pédiatrie pour le deuxième cycle des études médicales. Pour ce faire, la faculté de Santé nous a équipé d’un premier mannequin pédiatrique de haute-fidélité. Puis nous avons obtenu en 2017 une première subvention de l’Agence régionale de santé Île-de-France qui nous a permis de créer la plateforme de simulation en santé P2ULSE (Plateforme Pluridisciplinaire hospitalo-Universitaire de e-Learning et de Simulation dans l’Est parisien) grâce à la mise à disposition de blocs opératoires non utilisés. « Drôles de patients pour futurs médecins », puis d’autres subventions notamment de la région Île-de-France et d’associations, nous ont permis de compléter nos équipements et de nous inscrire concrètement dans la pédagogie du futur. L’apprentissage par la simulation est désormais incontournable dans les études de santé.

Mannequin utilisé sur la plateforme P2ULSE pour les séances de simulation des étudiants en santé

Quelle est l’importance de l’utilisation des mannequins dans l’apprentissage des soins, surtout concernant les soins aux enfants ?

Le projet « Drôles de patients pour futurs médecins » nous a permis d’étoffer notre offre de formation et de faire en sorte que chaque étudiante et étudiant en médecine pratique la ponction lombaire pédiatrique sur les mannequins de nouveaux nés financés par les donatrices et donateurs. Depuis 2018, l’ensemble des étudiants de 5ème année de médecine se forme par la simulation procédurale sur ces mannequins. Les étudiants suivent un module de formation théorique en ligne, suivi de l’apprentissage du geste, puis d’une évaluation finale pour s’assurer que le geste et les connaissances sont acquises. Leur mettre à disposition ce matériel a permis la mise en place d’un parcours de formation leur permettant d'allier théorie et pratique propice au développement de leurs compétences.

Plus globalement, la simulation permet aux futurs professionnels de se préparer aux situations rares auxquelles ils pourront faire face un jour. Ils devront savoir reconnaitre cette situation et savoir réagir. Permettre aux apprenants de se préparer à agir dans le cadre de situations de soin simulées s'inscrit dans une logique de sécurité des soins. Ils sont amenés, dans le cadre d’un débriefing structuré, à réfléchir collectivement aux processus de soins, à leurs propres mécanismes émotionnels (gestion du stress, gestion des émotions). Les mannequins, de par leur réalisme, participent à leur immersion dans la situation simulée.

Nous travaillons aussi à transmettre les valeurs et les pratiques de la coopération interprofessionnelle en associant, par exemple, dans les mêmes séances de simulation à la fois des étudiants en médecine et des étudiants infirmiers. Cela permet de leur faire travailler la cohésion de groupe, la manière dont on transmet des informations critiques de manière sécurisée au bénéfice du patient.

Finalement, ici le mot d’ordre est « jamais la première fois sur le patient » pour l’apprentissage des gestes invasifs. La simulation nous prépare mieux à la prise en charge des patients. Elle est complémentaire de l’apprentissage « au lit du patient ».

Salle de formation avec des mannequins de nouveaux nés

Quel message auriez-vous pour toutes nos donatrices et donateurs qui se sont engagés dans le projet ?

Je les remercie. Leur générosité a participé à la transformation de notre enseignement en y intégrant la simulation. Ils auront contribué à former les étudiants infirmiers et les médecins de demain, dont nous aurons tous besoin à un moment ou un autre de notre vie.

Quel impact le projet a-t-il eu auprès des étudiantes et étudiants de la faculté de Santé de Sorbonne Université ?

Les étudiants sont très satisfaits, leurs retours sont excellents. Nous avons mis en place depuis le début de nos activités de simulation un questionnaire systématique pour avoir les réactions des étudiants. Ces retours nous ont permis de faire évoluer certaines séances de simulation.

Les séances dédiées à la pédiatrie sont très appréciées. Elles sécurisent les étudiants qui sont peu habitués à prendre en charge les enfants. En effet, le cursus médical est très orienté sur les pathologies de l’adulte. Ces séances sont contemporaines de leur stage en pédiatrie, ce qui leur permet une meilleure immersion dans le monde « pédiatrique ».

En 2022, nous avons pu organiser au sein de P2ULSE 338 séances de simulation, ayant bénéficié à environ 1800 étudiantes et étudiants.

Vue de la régie d'où sont commandés les mannequins utilisés pendant les séances de simulation

Avez-vous d’autres projets à l’avenir ?

L’ambition est de maintenir notre offre d’enseignement par la simulation durant les études de santé. P2ULSE a également pour objectif d’assurer le maintien et le développement des compétences tout au long de la carrière professionnelle pour les soignants en poste à l’hôpital. Ces programmes de formation continue sont dans la continuité de nos missions. Ils sont acteurs de la transformation pour un meilleur service de santé au bénéfice des patients.

L’avenir de la simulation, c’est aussi le développement de la simulation électronique, de la réalité augmentée et virtuelle. L’apprentissage des étudiants est facilité quand les approches pédagogiques sont diversifiées. Les cours en amphithéâtre restent adaptés à la transmission de certaines connaissances, alors que les techniques de simulations procédurales, électroniques, hybrides etc., ouvrent à d’autres objectifs d’apprentissage, mobilisant plutôt le savoir-faire et le savoir-être. Ces nouvelles formes d’apprentissage par la simulation ne remplaceront pas néanmoins l’apprentissage au lit du malade, mais elles sont complémentaires. Les stages hospitaliers sont l’étape supplémentaire où l’apprentissage par les pairs sera complété, avant la mise en responsabilité dans quelques années.

La simulation n’est pas un outil magique. Elle prépare, elle rassure. Elle doit nous aider à être le plus réactif possible, le plus prêt, pour faire face à la complexité des patients qui se présenteront à nous. La médecine est un apprentissage du quotidien, exigeant, passionnant, qui s’enrichit tout au long d’une carrière.

Vous pouvez soutenir nos projets en santé

Les progrès de l’ingénierie en santé et le développement des humanités médicales conduisent à de nouvelles approches médicales, tant au niveau des gestes pratiqués que dans l’appréhension du patient et de sa liberté. Contribuez à ces avancées en soutenant la Fondation Sorbonne Université.

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