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Développement d’un traitement contre la sarcopénie

L’équipe que dirige France Pietri-Rouxel au Centre de recherche en Myologie a été lauréate en 2023 d'un soutien financier de la fondation Merck MSDAvenir pour son projet  intitulé STRONG.

France Pietri-Rouxel étudie avec son équipe « Thérapie génique pour la DMD & physiopathologie du muscle squelettique » les dystrophinopathies, qui sont des myopathies causées par des anomalies du gène DMD qui code une protéine appelée dystrophine et notamment la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Par ailleurs, l’équipe étudie une pathologie du muscle vieillissant: la sarcopénie, une des préoccupations majeures du système de santé publique. La sarcopénie est une maladie musculaire complexe liée à l’âge qui affecte entre 10 à 16 % des personnes âgées de plus 65 ans et qui peut conduire à terme à une diminution de plus de 30 % de la masse musculaire initiale. Cette maladie est à l’origine d’une détérioration générale de la condition physique qui se traduit par un risque accru de chutes, un allongement de la durée d’hospitalisation, une perte d’autonomie et entraîne inévitablement une augmentation du taux de morbidité et de mortalité.

Dans l’objectif de développer un traitement contre la sarcopénie, l'équipe s’est intéressée à la protéine GDF5 (Growth Differenciation Factor 5) qui a été décrite comme cruciale pour le maintien de la masse musculaire dans une situation où le muscle est n’est plus inervé. En effet, dans certaines conditions, le muscle peut perdre de sa masse, on parle d'atrophie musculaire, mais le muscle ne disparaît pas : il s'atrophie puis se stabilise. L'équipe a donc cherché à comprendre les mécanismes sous-jacents à cette stabilisation, car dans le cas de la sarcopénie, il y a perte inéluctable de la masse musculaire sans stabilisation de cette perte. Ainsi, l'équipe a étudié dans le contexte de muscle vieillissant le potentiel thérapeutique de cette protéine dans la préservation de la masse et la force musculaires chez la souris âgée, le projet STRONG.

Les chercheurs ont sur-exprimé, grâce à un vecteur viral, le GDF5 dans le muscle de souris âgée et ont montré que, suite à cette sur-expression, 42% des gènes dérégulés au cours du vieillissement ont une expression normalisée, identique à celle observée dans le muscle de souris jeune comme s'il avait rajeuni. Afin de développer un traitement pharmacologique, l’équipe a produit, à partir d’une synthèse chimique, la séquence humaine de la protéine GDF5 modifiée (hGDF5-P) afin d’optimiser sa stabilité et son efficacité sur la masse et la fonction musculaire. Le traitement des souris âgées avec la protéine GDF5 a montré son efficacité pour contrer la perte musculaire liée à l'âge, améliorer la fonction musculaire et assurer la connectivité nerf-muscle. De plus, dans des biopsies musculaires humaines, l’équipe a trouvé les mêmes altérations liées à l'âge que celles observées chez la souris, ce qui suggère que ce traitement pourrait être utile chez l’homme pour lutter contre la sarcopénie. Dans l'ensemble, ces données fournissent une base pour examiner le potentiel curatif du médicament GDF5 dans les essais cliniques pour la sarcopénie et, éventuellement, d'autres maladies neuromusculaires. Il est d’ailleurs un des projets stratégiques soutenus par l’Institut de Myologie (AIM).

Le projet STRONG financé par la Fondation Merck MSD/Avenir comporte un volet d’étude de doses et de voies d’administration. Ce sont des études qui coûtent chères et le financement conséquent a permis le développement pré-clinique de la molécule.

Les voies d’administration sont actuellement intra-musculaires et systémiques et les bénéfices ou la toxicité potentielle sont étudiés. Si on peut amener un traitement, on va préserver la masse musculaire soit dans le traitement de la sarcopénie pour améliorer le bien-être, soit dans des situations d’immobilisation, de coma par exemple.

Le GDF5 est une protéine qui est physiologique et non toxique. Le corps la connaît car dans certaines circonstances elle va être secrétée pour pouvoir palier à la perte de masse et stabiliser le muscle. Cependant dans le développement de médicament, l'étude de la dose efficace est essentielle. En perspective, le marché pour l’utilisation de ce médicament potentiel est énorme au vu du vieillissement de la population avec une prévision entre 20-32 millions de sarcopéniques en Europe en 2045.

Trois brevets ont été déposés sur cette découverte. Le premier concerne l’utilisation de cette molécule dans toutes les conditions d’atrophies musculaires: cancer, immobilisation, coma, maladies neuromusculaires. Le deuxième brevet concerne la combinaison du GDF5 avec une autre stratégie thérapeutique ciblant les maladies neuromusculaires et le troisième brevet porte sur une molécule GDF5 qui a été optimisée.