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Double portrait de Mohamed Chetouani et Corinne Frère, nouveaux élus au comité d'éthique de la recherche

Suite aux élections du 24 janvier 2023, Mohamed Chetouani et Corinne Frère ont été élus respectivement président et vice-présidente du comité d' éthique de la recherche (CER) de Sorbonne université. Ils nous éclairent sur leurs missions dans une interview croisée.

Quels sont les principes clés du comité d’éthique de Sorbonne Université?

Mohamed Chetouani & Corinne Frère : Le Comité d’éthique de la recherche (CER) de Sorbonne Université est une instance pluridisciplinaire, transversale, consultative et indépendante, composée de 16 membres (chercheurs, représentants de la société civile, délégués à la protection des données de Sorbonne Université et représentants de la direction des affaires juridiques de l’université). Sa mission est de délivrer des avis consultatifs sur les protocoles de recherche non interventionnelle impliquant des personnes humaines aux chercheurs et enseignants-chercheurs rattachés à Sorbonne Université et l’Alliance Sorbonne Université qui sollicitent son expertise, dès lors que ces protocoles ne relèvent a priori pas des compétences d’un Comité de protection des personnes (CCP). L’ensemble des champs de recherche de Sorbonne Université peut ainsi bénéficier d’un regard éthique sur ses pratiques.
Le CER est administré par un bureau qui se réunit tous les 15 jours ; celui-ci évalue la recevabilité des dossiers et désigne deux rapporteurs par dossier. L’examen des dossiers porte sur une analyse éthique des objectifs, des méthodes, des modalités d’inclusion, d’information, de consentement, de recueil et de conservation des données, de respect de la confidentialité, de la dignité, de l’intégrité et des droits des personnes participant aux recherches. Le CER se réunit en séance plénière une fois par mois pour délibérer et émet un avis collégial sur les dossiers à l’ordre du jour ; le cas échéant, le CER formule des recommandations et propose les modifications qui lui apparaissent nécessaires. Le CER de Sorbonne Université vise à promouvoir une recherche intègre, éthique et responsable. Ses travaux sont strictement confidentiels.

Mohamed Chetouani : Je suis Professeur à l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique dans le domaine du traitement du signal et de l’apprentissage machine pour les interactions humain-machine. Dans ce cadre, j’ai développé depuis plusieurs années, une recherche interdisciplinaire avec en particulier des collègues en psychiatrie, psychologie et sciences cognitives. Mes travaux contribuent à l’Intelligence Artificielle dite centrée Humain. Ils reposent nécessairement sur des expérimentations
et adoptent des principes éthiques. C’est en réalité par nécessité que j’ai initié la création du CER !

Corinne Frère : J’ai toujours été sensible aux questionnements entourant les progrès de la science et de la recherche. En tant qu’enseignant-chercheur dans le domaine biomédical, j'ai été confrontée à la nécessité de la réflexion éthique et plusieurs fois amenée à solliciter l’expertise d’un comité consultatif.
Ma candidature au CER a été motivée d’une part par le besoin de nourrir ma réflexion en intégrant un espace de réflexion pluridisciplinaire sans a priori, et d’autre part par ma volonté de m’impliquer activement dans une instance collégiale.

Quelle sont selon vous les points forts de vos personnalités réunies pour le comité
d’éthique de Sorbonne Université ?

Mohamed Chetouani: Il me semble que l’adaptation et la résilience sont clairement des qualités nécessaires. Le CER se positionne en amont des résultats de la recherche et est un excellent observateur des sujets abordés par les collègues. Par ailleurs, le CER de Sorbonne Université est relativement jeune avec une création fin 2019 et avec déjà plusieurs centaines de protocoles traités impliquant des milliers de personnes. Ces phases de création, de passage à l’échelle avec plusieurs crises sont évidemment des moments délicats mais avant tout au service de la communauté universitaire. Il en ressort une satisfaction personnelle de création d’un dispositif utile à la communauté.
Corinne Frère: Le CER a un champ de compétence très large. Il doit pouvoir expertiser toute recherche impliquant des sujets humains, lorsqu’elle ne relève pas des compétences des CPP. Les membres du CER proviennent de disciplines très diverses ; ils possèdent donc des cultures et savoirs différents. Mon expérience professionnelle en tant que praticien hospitalier, mon expertise dans le domaine de la recherche clinique et translationnelle et ma volonté d’apporter mon soutien à mes confrères de la Faculté de Médecine qui sont de plus en plus confrontés à des enjeux d’éthique constituent donc des atouts pour participer utilement aux travaux du CER.

Quelles sont les interactions entre le comité d’éthique de Sorbonne Université et l’AP-HP ?

Mohamed Chetouani & Corinne Frère : Plus de la moitié des protocoles de recherche soumis à l’expertise du CER de Sorbonne Université émanent de chercheurs du groupe hospitalo-universitaire AP-HP. Sorbonne Université. Ces protocoles concernent des études rétrospectives ou prospectives sur des données collectées dans le cadre du soin, des études réalisées sur des collections biologiques déjà constituées, ou des études prospectives portant sur des expérimentations en sciences humaines et sociales dans le domaine de la santé qui ne relèvent pas de la loi Jardé, mais nécessitent un avis éthique. Il s’agit de la majorité des recherches effectuées dans le domaine de la santé. L’avis d’un comité d’éthique est de plus en plus fréquemment requis par les éditeurs scientifiques lors de la soumission d’articles. Les liens entre le CER de Sorbonne Université et l’AP-HP sont donc très forts.

Comment le comité d’éthique a-t-il travaillé pendant la crise COVID ?

Mohamed Chetouani: Le 22 Mars 2020, en coordination avec la CMEL et les URC, le CER a créé une cellule de traitement de saisine simplifiée pour des recherches COVID. Cette cellule a été maintenue jusqu’à début Juillet 2020. En quelques mois, le CER de SU a traité une cinquantaine de protocoles, ce qui correspond à une année de traitement d’un CER. Il faut noter que les collègues cliniciens du CER ont été eux mobilisés par les urgences cliniques. La cellule du CER était en mesure de répondre en quelques heures aux porteurs de projet. Des milliers d’emails et plusieurs réunions ont permis de traiter une diversité de protocoles allant de la réanimation à la santé mentale en passant par l’impact de la COVID sur les différents services cliniques. Les porteurs de projet nous ont
régulièrement transmis les publications issues de ces travaux et on peut noter des publications remarquables dans les plus grandes revues médicales.

Quels sont les défis à relever en ce début de double mandat ?

Mohamed Chetouani & Corinne Frère: Les progrès de la science, le déploiement de nouvelles technologies et leurs répercussions sociétales font naître des interrogations auxquelles les chercheurs sont peu ou insuffisamment préparés. Certains enjeux éthiques se révèlent complexes et imposent des approches pluridisciplinaires. Nous souhaitons promouvoir une recherche intègre, éthique et responsable au sein de notre université. L’un des défis du CER est de sensibiliser les chercheurs aux enjeux éthiques et sociétaux de la recherche et de leur apporter un soutien pour identifier et prendre en compte les questions éthiques qui émergent de leurs pratiques.

Quelles seront les premières actions que vous comptez mettre en œuvre ?

Mohamed Chetouani& Corinne Frère : L’une de nos priorités est de renforcer le dialogue avec les acteurs de la recherche, de mieux comprendre leurs besoins et de faciliter leurs démarches. Les premières actions que nous comptons mettre en œuvre sont donc de rencontrer les acteurs de terrain  (URC, président de la CMEL directeurs de DMU,...) et de mieux faire connaître les modalités de fonctionnement et les travaux du CER.
Par ailleurs, nous avons à cœur d’élaborer une réflexion autour de la formation des doctorants, des masters et des enseignants chercheurs à l’éthique de la recherche et à l’intégrité scientifique, et de contribuer au développement de compétences dans ce domaine. Le CER organise des séminaires qui permettent d’échanger avec la communauté de Sorbonne Université, et plus largement avec les acteurs institutionnels, autour de l’éthique de la recherche et de la science ouverte. En 2023, notre premier séminaire s’est articulé autour des orientations stratégiques de l’offre de formation pour une recherche intègre et responsable.