Immersion dans le département de simulation médicale
« Jamais la première fois sur un patient », c’est l’objectif prioritaire du département de simulation de Sorbonne Université. Un département pionnier en France en matière de formation initiale pour cette méthode d’apprentissage devenue aujourd’hui incontournable.
« Analyse du rythme cardiaque en cours, choc recommandé, restez à l'écart du patient ». La voix robotique du défibrillateur annonce le choc imminent. Puis le rythme des mains qui massent sans discontinuer un torse inanimé. Deux étudiantes se relaient devant leurs camarades attentifs. Nous sommes au quatrième étage du 105 boulevard de l’hôpital à Paris, dans l’un des deux laboratoires de simulation de la faculté de Médecine de Sorbonne Université.
Une formation au plus proche de la réalité
« Un homme de 52 ans vient de faire un malaise cardiaque dans un restaurant ». Voilà le scénario que Margaux Dumont, urgentiste à la Pitié-Salpêtrière, a choisi pour former son groupe de deuxième année à l’arrêt cardiaque. Alternant les rôles de serveuse et d’urgentiste du Samu, l’enseignante observe les étudiantes "réanimer" le mannequin dont le dispositif électronique témoigne de l'efficacité du massage cardiaque.
« La première simulation que nous avons développée en 2011 portait sur l’arrêt cardiaque », explique le Pr Yonathan Freund, directeur du département de simulation et professeur et praticien hospitalier au service d’accueil des urgences. « Les enseignantes et enseignants élaborent leurs scénarios en fonction des ressources pédagogiques dont nous disposons et des objectifs pédagogiques visés. Par exemple, ici, reconnaître un arrêt cardiaque, masser correctement, développer son leadership et appeler un réanimateur. »
Derrière la salle de cours où sont réunis les étudiantes et étudiants, on découvre une autre pièce médicalisée. Un mannequin « haute-fidélité » est alité. Il peut cligner des yeux, suer, avoir les pupilles modifiées, être intubé, etc. Autour de lui, d’autres mannequins attendent les prochaines séances de simulation : une femme enceinte, un nouveau-né, un patient traumatisé grave, etc. S’il permet une meilleure immersion des participants, le réalisme des mannequins a un prix. « Un mannequin haute-fidélité coûte environ 80 000 euros et un mannequin moyenne-fidélité 15 à 20 000 euros », précise Yonathan Freund.
Jérémy Leroy, assistant pédagogique du département de simulation, et les formateurs (médecins, urgentistes, chirurgiens, etc.) peuvent suivre la situation via une retransmission audiovisuelle, tout comme les étudiantes et étudiants qui ne participent pas directement à la simulation.
« Grâce à un micro, nous pouvons parler à la place du malade, téléphoner aux apprenants pendant la simulation ou entrer dans le scénario pour jouer le senior des urgences ou un membre du Samu », explique l’assistant. En fonction des objectifs pédagogiques et des actions des apprenants, nous modifions les paramètres du mannequin et provoquons d'autres symptômes (difficulté respiratoire, arrêt cardiaque, etc.). Parallèlement, nous pouvons voir tous les gestes que réalisent les étudiants. Nous sommes attentifs à chaque moment de communication, de doute, d'erreur pour ensuite revenir dessus durant le débriefing ».
Chaque séance dure environ une heure avec un scénario de 10 à 30 minutes qui doit être didactique, plausible et réaliste. Le débriefing est le moment le plus important de l’atelier. Il permet aux apprenants d’analyser les situations, de se rendre compte de leurs erreurs et de progresser grâce aux retours des formateurs.
Une faculté pionnière en matière de simulation dans la formation
« À Sorbonne Université, nous sommes pionniers, sur le plan national, en matière de simulation utilisée en formation initiale avec une offre pédagogique et un volume d’apprenants très importants », affirme le Pr Freund. La faculté de Médecine s’est engagée dans l’activité de simulation médicale depuis 2011. D’abord mise en place par l’équipe des services de réanimation et des urgences de la Pitié-Salpêtrière pour faire face aux situations d’urgence vitale, la simulation s’est développée dans toutes les spécialités : réanimation, anesthésie, urgences, situation sanitaire exceptionnelle, pédiatrie, néo-natologie, chirurgie, urologie, radiologie, gynécologie, relation de soin, orthopédie, soins infirmiers, etc.
« La faculté de Médecine nous a toujours beaucoup soutenus », indique Yonathan Freund. Au fil des années, nous avons obtenu un local et des financements pour investir et entretenir le matériel. De nouveaux enseignantes praticiennes et enseignants praticiens nous ont rejoints pour monter d’autres ateliers. Et en 2021, nous devrions avoir un nouveau site entièrement dédié et adapté à la simulation. »
Actuellement le laboratoire de simulation permet de former la communauté étudiante de deuxième et troisième cycles et les élèves infirmiers et paramédicaux. Elle concerne les externes de la faculté, mais également les internes des hôpitaux rattachés à l’université, sans oublier les étudiantes et étudiants en formation continue. Soit près de 2000 personnes par an.
Quels bénéfices pour les apprenantes et apprenants ?
« Pour le respect du malade et de sa sécurité, il est recommandé d’avoir déjà pratiqué un geste médical en situation simulée », précise le Pr Freund. Et c’est d’autant plus important pour les gestes sensibles, difficiles techniquement ou pour des situations rares comme les blessures de guerre. » Aujourd’hui, chaque étudiante et étudiant en médecine passe entre vingt et trente demi-journées au département de simulation au cours de leur six premières années d’études. Les objectifs pédagogiques varient d'une session à une autre : reconnaissance de pathologie, apprentissage de gestes techniques tels que les sutures, la pose de drain, de sonde urinaire, de perfusion, l’intubation, le massage cardiaque, la ponction lombaire, etc. La simulation d’imagerie permet également aux étudiants d’appréhender la physiologie du corps et de s’initier à l’échographie.
L’autre priorité pédagogique porte sur l’acquisition de compétences non techniques. La simulation permet d’apprendre à gérer une crise, à communiquer avec l’équipe, à développer son leadership, à maîtriser son stress, etc. Sans oublier la relation de soins avec des simulations d’entretiens (annonces de maladie grave, prévention, etc.) pour apprendre à communiquer avec les malades.
L’ensemble de ces objectifs pédagogiques s’inscrit dans une démarche scientifique. « Au sein du département de simulation, nous accueillons une médecin qui fait une thèse en sciences de l'éducation sur la pédagogie en simulation. Avec d’autres chercheurs, nous avons publié des études sur le ressenti des étudiantes et étudiants, l'amélioration des séances ainsi que l'impact de l’apprentissage par simulation sur les compétences et la qualité des soins des apprenants », explique Yonathan Freund. Parmi ces études, nous avons montré qu’une ou deux séances de simulation suffisaient à redonner confiance en eux aux étudiantes et étudiants. »
Jérémy Leroy, assistant pédagogique en simulation médicale
Depuis janvier 2020, cet ancien ambulancier de la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) prépare les séances de simulation, collabore à l’écriture des scénarios, assiste les formateurs, paramètre les logiciels et veille à la maintenance des mannequins. « En tant qu’ambulancier, j'ai été confronté à des urgences vitales, explique Jérémy Leroy. Formateur en premiers secours depuis huit ans, je mets cette expérience au service de la communauté enseignante et étudiante. La simulation est selon moi l'avenir de la formation médicale. Aujourd’hui, on n’imagine pas un pilote professionnel piloter un avion sans s’être entraîné sur un simulateur. Il en va de même en médecine. Le but n'est pas seulement de mettre les apprenants en situation, mais aussi de les amener à réaliser les bons gestes et de corriger leurs erreurs de façon positive et bienveillante». Dans quelques mois, Jérémy Leroy fera aussi partie de l’équipe de formateurs en "damage control".