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Le projet Projet NeuroSonoGene lauréat de l’ERC Synergy Grant 2023

Félicitations à l’équipe du projet NeuroSonoGene composée de Serge Picaud (directeur de l’Institut de la Vision de Sorbonne Université, INSERM, CNRS), Mickael Tanter (directeur du laboratoire physique pour la médecine de l’ESPCI, INSERM, Université Paris Sciences lettres, CNRS) et Anna Moroni (Professeur de l’université de Milan) pour l’obtention du ERC synergy Grant 2023.

 

L’ERC synergy Grant apporte un soutien de 8 millions d’euros qui va permettre de développer le projet Interface cerveau-machine par sonogénétique pour les neurosciences et la restauration visuelle (A sonogenetic brain-machine interface for neurosciences and visual restoration).

L’objectif du projet est d’une part de développer les outils de la thérapie sonogénétique pour l’étude du fonctionnement du cerveau. D’autre part, l’équipe va développer des applications thérapeutiques de la sonogénétique comme la restauration visuelle.

La sonogénétique a pour principe fondamental de rendre sensibles les neurones aux ultrasons par une approche génétique. Les neurones sont naturellement très peu sensibles aux ultrasons. En conséquence, pour les stimuler, il faut employer des énergies acoustiques très élevées, ce qui n’est pas compatible avec une application continue sur des tissus. Le principe consiste donc à faire exprimer une protéine spécifiquement sensible aux ultrasons dans les neurones. Pour l’instant, nos chercheurs ont utilisé une  protéine qui est un canal ionique dénommé MscL (pour Mechanosensitive large Conductance ).

Le projet NeuroSonoGene souhaite développer d’autres canaux ioniques car ce canal employé actuellement permet uniquement d’activer les neurones. L’équipe souhaite maintenant développer d’autres canaux ioniques qui permettraient également d'inhiber les neurones mais aussi des canaux ioniques excitateurs mais avec des propriétés différentes de MscL pour choisir différents modes de manipulation des neurones. La sonogénétique pourrait ainsi soit activer soit inhiber les neurones. En recherche fondamentale, l’objectif est de rendre les neurones sensibles aux ultrasons pour prendre le contrôle de leur activité à volonté par un faisceau ultrasonore.

Pour l’application thérapeutique sur la restauration visuelle, il serait nécessaire de porter une paire de lunettes pour prendre une image de l’environnement devant le patient aveugle afin de projeter cette image par ultrasons sur son cortex visuel. Cette restauration visuelle concernerait des adultes, ayant perdu la vue, qui n’ont plus de nerf optique, le lien œil-cerveau, comme les patients souffrant de glaucome ou de rétinopathie diabétique.

La thérapie consisterait à injecter un vecteur de thérapie génique qui va coder pour le canal ionique MscL afin que les neurones du cortex visuel deviennent sensibles aux ultrasons. Les neurochirurgiens implanteraient un simulateur ultrasonore au niveau du crâne. Cette technique éviterait tout contact permanent avec le  cerveau, contrairement aux techniques actuelles de prothèses corticales basées sur des électrodes stimulant électriquement le cerveau. En effet, au bout de quelques mois, ces prothèses induisent une réaction autour du dispositif conduisant à son dysfonctionnement. Le projet NeuroSonoGene cherche à proposer une solution sans contact direct avec le cerveau. L’avantage des ultrasons est leur pénétration dans les tissus comme l’illustrent magnifiquement les images prénatales. Dans la thérapie, l’image projetée sur le cortex par ultrasons seraient créée virtuellement, comme un hologramme. Dans la mesure, où la vision consiste en images renouvelées rapidement comme dans une vidéo (30Hz), le projet souhaite donc pouvoir imprimer les images dans le cortex visuel, avec un rafraichissement du même ordre (13-30Hz) et avec des images de belle qualité optique (au moins 1000 pixels). Le patient devrait ainsi discerner des images en noir et blanc à une cadence proche de la vidéo pour retrouver une perception visuelle fluide.

La preuve de concept a été obtenue sur un modèle murin en montrant que les résolutions spatiale et temporelle de la sonogénétique sont compatibles avec la restauration visuelle, puis la preuve d’une perception de la lumière a été apportée lors de la stimulation ultrasonore du cortex visuel. Pour apporter cette preuve d’une perception lumineuse, l’animal a appris à associer la stimulation lumineuse avec une délivrance d’eau, ce qu’il réalise en quatre jours. Au bout de ces quatre jours, la stimulation lumineuse est remplacée par une stimulation ultrasonore au niveau du cortex visuel. L’animal produit alors le même comportement que si c’était un flash lumineux. Par contre,  en absence d’injection du vecteur de thérapie génique dans le cortex visuel, l’animal ne produit pas ce comportement associatif. L’animal a pu percevoir la lumière par l'activation corticale grâce à la combinaison du produit injecté et de la stimulation ultrasonore.

Pour ce travail, qui est une première, les biologistes de l’institut de la vision se sont associés au laboratoire du physicien Michael Tanter, leader mondial de la manipulation des ultrasons tant pour l’imagerie que pour la thérapie. Il a en effet récemment développé une nouvelle technique d’imagerie fonctionnelle du cerveau par ultrasons.

Anna Moroni, de l’université de Milan rejoint ce consortium pour travailler sur l’ingénierie des canaux ioniques. Le canal ionique est une protéine qui passe à travers la membrane des cellules et va s’ouvrir ou se fermer suivant différents acteurs moléculaires ou physiques. Lorsque le canal s’ouvre, des ions passent à travers la membrane cellulaire. Suivant la nature des ions, la cellule est excitée (ions Na+), ou inhibée (ions K+ ou Cl).

Cette approche collaborative ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre le rôle de certains neurones dans le fonctionnement du cerveau car les ultrasons peuvent pénétrer dans la profondeur des tissus. Les scientifiques pourront ainsi contrôler par ultrasons le fonctionnement des neurones, en  activant ou inhibant un circuit neuronal afin d’examiner le résultat sur le comportement de l’animal. En conclusion, ce nouveau projet NeuroSonoGene génère de grands espoirs tant pour la compréhension du fonctionnement du cerveau, la restauration visuelle de patients aveugles voire aussi pour d’autres applications thérapeutiques de cette nouvelle forme d’interface cerveau-machine par sonogénétique.