
Portrait de Marianne Abi Fadel
Le Pr Marianne Abi Fadel, professeure de biochimie et de biologie moléculaire, doyenne depuis 2013 de la Faculté de pharmacie de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, en fin de décanat, a rejoint la Faculté de Santé de Sorbonne Université à temps partiel et intègre l'UMR 1166. Ses travaux de recherche abordent en particulier PCSK9 dans les hypercholestérolémies, nouveau protagoniste qui a mené à une nouvelle classe thérapeutique dans les maladies du cholestérol et ses complications cardiovasculaires.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours académique et de ce qui vous a motivé à poursuivre une carrière en biochimie et biologie moléculaire ?
Née au Liban, dans une famille francophone et francophile, j’ai obtenu mon Bac Français au Liban et étudié la pharmacie à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, puis j’ai suivi un DES de biologie médicale avec une spécialisation en Biochimie clinique. En 1999, j’ai effectué un DEA en Physiopathologie de la Nutrition humaine à Paris Diderot avec un stage dans le domaine des lipides, à La Pitié, dans une des équipes dirigées par le Dr John Chapman, qui allait par la suite constituer cette unité dont je fais partie actuellement. J’ai poursuivi en doctorat à l’Université Paris Descartes, dans l’équipe du Pr Catherine Boileau à l’unité INSERM U783 dirigée par le Pr Claudine Junien à l’hôpital Necker Enfants Malades. C’est là que je me suis spécialisée en génétique et biologie moléculaire en approfondissant les bases génétiques de l’hypercholestérolémie familiale aboutissant ainsi à l’identification d’un nouveau gène et protagoniste impliqué dans cette maladie : PCSK9. J’ai donc réalisé ma thèse en cotutelle entre l’Université Paris Descartes et l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, au Liban, où l’incidence de l’hypercholestérolémie familiale est des plus élevées dans le monde.
J’ai été naturalisée française en 2006 et continué mes recherches doctorales puis post- doctorales entre l’INSERM à Paris et la Faculté de Pharmacie de l’USJ au Liban, au sein de laquelle j’assurais mes activités d’enseignement, de diagnostic et de recherche. Après l’obtention de mon HDR et de l’équivalence française de mon diplôme de biologie médicale j’ai été élue Doyenne de la Faculté de Pharmacie de l’USJ de Beyrouth en 2013, et ai fondé le Laboratoire de Biochimie et Thérapies Moléculaires à l’USJ. Mon enseignement porte notamment sur la biochimie et la biologie moléculaire en pharmacie, nutrition et pour les techniciens de laboratoire d’analyses médicales. J’ai toujours eu à cœur de transmettre l’intérêt et la passion de ces domaines aux futures générations. Durant la crise de COVID j’ai assuré et assumé la responsabilité du Laboratoire Rodolphe Mérieux-Liban (LRM) Liban, qui est devenu le laboratoire de référence de la tuberculose au Liban en 2018. C’est un laboratoire à but non lucratif, soutenu par la Fondation Mérieux et l’USJ, au service des populations vulnérables.
J’ai vécu la guerre durant mon enfance et mon adolescence au Liban, ce qui est en soi assez pénible. Pourtant le plus dur à vivre pendant mon décanat, a été les multiples crises qui ont secoué le pays à savoir, la crise économique, la crise sanitaire COVID, l’explosion du port de Beyrouth et plus récemment, à nouveau la guerre, tout en ayant la responsabilité des étudiants de pharmacie et de Nutrition les aidant à poursuivre leur cursus en dépit de la situation dramatique, à réussir et à être acceptés dans les universités de haut niveau à travers le monde. Tous se sont bien intégrés et ont bien réussi leurs études de 3e cycle dans différentes universités françaises, américaines, canadiennes. Malgré la situation instable et éprouvante au Liban j’ai co-encadré différentes thèses en cotutelle entre la faculté de pharmacie de l’USJ et les équipes françaises.
La biochimie et la biologie moléculaire jouent un rôle crucial dans les innovations diagnostiques et thérapeutiques. Je suis fière et heureuse d’apporter ma pierre à l’édifice de l’amélioration du diagnostic et du traitement des maladies lipidiques et cardiovasculaires avec l’identification de PCSK9 dans l’hypercholestérolémie familiale, ce qui a mené en 2015 à la mise sur le marché de médicaments hypolipémiants très efficaces.
Je suis tout aussi fière et heureuse de former les générations de pharmaciens, nutritionnistes et chercheurs et de consolider les liens entre mes deux pays : le Liban et la France, liens historiques et inébranlables.
Comment vos recherches et vos découvertes ont- elles évolué au fil des ans, notamment sur la découverte de PCSK9 dans l’hypercholestérolémie familiale ?
Ma thèse consistait à rechercher un 3e gène impliqué dans l’hypercholestérolémie familiale dans des familles où les gènes connus pour être impliqués dans la maladie étaient exclus.
L’histoire de la découverte de PCSK9 dans l’hypercholestérolémie familiale est une très belle aventure qui a donné un but et un sens particulier à ma vie puisqu’elle est à la base de médicaments qui sauvent des vies.
A mon arrivée dans l’équipe du Pr Catherine Boileau, il m’a été confié de rechercher un nouveau gène impliqué dans l’hypercholestérolémie familiale dans une famille originaire de Nantes recrutée par le Réseau de Recherche sur l’Hypercholestérolémie familiale, dans laquelle les deux gènes déjà connus pour être impliqués dans la maladie (LDLR et APOB), étaient exclus. Ma mission était d’explorer les gènes qui étaient inclus dans la région génétique du chromosome 1, commune d’une part à la région liée à la maladie dans cette famille française et publiée en 1999 avant mon arrivée au laboratoire, et d’autre part à la région, voisine, identifiée par une équipe américaine dans une famille de l’Utah dont l’hypercholestérolémie était due au 3ème gène encore inconnu dans la région.
Le travail était particulièrement méticuleux, un vrai travail d’orfèvre nécessitant rigueur et réflexion continues. Nous étions en 1999, à l’époque où le séquençage du génome n’était pas encore achevé, et où les cartes génétiques et physiques de la région étaient incomplètes. J’ai donc construit ces cartes intégrées de la région génomique, identifié in silico les gènes présents dans la région et les ai séquencés à l’aide des techniques disponibles à l’époque, en commençant par les gènes candidats pouvant avoir une implication dans le métabolisme du cholestérol ou fortement exprimés dans le foie, le foie étant au centre des réactions métaboliques notamment celles concernant le cholestérol.
Nombreux gènes étaient dans la région et je les ai tous exclus, un par un. C’est là où j’ai commencé à remettre en question les bornes de la région initialement publiée dans la famille de Nantes. Parallèlement à l’étude de cette famille, j’ai investigué d’autres familles non liées au LDLR ni à l’APOB. Je me suis particulièrement intéressée à une famille, originaire de Dijon qui a été cruciale dans la découverte de PCSK9. En étudiant les marqueurs microsatellites dans cette famille, j’ai pu corriger les bornes de la première région génétique rapportée avant mon arrivée au laboratoire (qui avait été limitée par un cas de phénocopie), et identifier une nouvelle région commune plus centromérique que la première sur le chromosome 1, et qui montrait une bonne ségrégation avec l’hypercholestérolémie familiale dans ces familles.
Le soir de cette identification, j’ai fait une réelle tachycardie, car cela ravivait en moi l’espoir, avec de nouveaux gènes, de nouveaux candidats de nouveaux espoirs. Déterminée à ne pas baisser les bras, j’ai entamé dans cette nouvelle région, avec l’accord de Catherine, le séquençage des gènes qui pouvaient avoir une implication dans le métabolisme du cholestérol ou ceux fortement exprimés dans le foie. Un des gènes présents était PCSK9, il portait un autre nom à cette époque, NARC1, venait d’être libéré dans les bases de données publiques, et était étudié par un chercheur de l’Institut de Recherches Cliniques de Montréal, Dr Nabil Seidah, qui ne connaissait pas sa fonction mais qui a contacté Pr Catherine Boileau car ce gène était fortement exprimé dans le foie et était sur le bras court du chromosome 1. J’ai donc étudié ce gène avec les autres gènes exprimés dans le foie présents dans cette région. Le séquençage m’a permis d’identifier, le 13 Septembre 2002 les deux premières mutations de PCSK9 : une même mutation dans les deux familles atteintes d’hypercholestérolémie et de complications cardio-vasculaires, et une 2ème dans une nouvelle famille française hypercholestérolémique dont le cas index était décédé d’infarctus du myocarde à 49 ans.
C’était le premier résultat qui impliquait, dans le monde du cholestérol, NARC-1 qui a été appelé PCSK9 pour la première fois dans notre article, et ce, par le comité de nomenclature des gènes, car la protéine était le 9e membre de la famille des proprotéines convertases. C’était un vendredi, une journée qui restera gravée dans ma mémoire, et j’ai passé le week-end à faire toutes les vérifications, afin de prouver qu’il s’agissait d’une mutation causale. Le résultat était sans équivoque, c’était LE gène !
La collaboration avec Nabil Seidah s’est poursuivie par des études fonctionnelles et cellulaires, qui ont contribué à la compréhension du rôle de PCSK9 dans la réduction du nombre de récepteurs des LDL à la surface cellulaire. Les résultats génétiques, très convaincants, ont été acceptés pour publication dans Nature Genetics avec un premier accord pour une ‘brief communication’ en Janvier 2003 et une parution en Mai 2003. D’autres articles rapportant les résultats fonctionnels ont été publiés par la suite.
Quelques mois plus tard, notre résultat a été confirmé par l’équipe américaine dans la famille de l’Utah. Et deux années plus tard l’équipe de Dallas a identifié des individus sains porteurs de variations perte de fonction de PCSK9, associées à une réduction des concentrations de cholestérol et du risque cardiovasculaire. Ces résultats ont confirmé les nôtres sur l’importance de PCSK9 dans les HF et les maladies cardiovasculaires.
Les firmes pharmaceutiques se sont dès lors lancées dans la course pour trouver les inhibiteurs de PCSK9, et le passage de la découverte du gène dans l’HF aux médicaments s’est fait en un temps record. Deux anticorps monoclonaux ont reçu les AMM en 2015 et un Arn interférent anti-PCSK9 en 2021. Ils sont très efficaces pour diminuer les niveaux de LDL-cholestérol sanguins et réduire le risque de maladies cardiovasculaires.
Ces travaux m’ont permis d’obtenir en 2004 le prix de thèse de la Chancellerie des Universités de Paris puis en 2011 le Prix scientifique du CNRS Libanais. En 2021 j’ai obtenu le prix Christophe Mérieux de l’Institut de France pour ma carrière incluant la découverte de PCSK9 mais aussi toute l’activité diagnostique réalisée au Liban et le rôle que j’ai joué lors de la pandémie de COVID-19. Ce prix a permis, compte tenu de la crise économique à ce moment au Liban, d’assurer des bourses à mes étudiants de pharmacie et de nutrition. Plus récemment en 2022, le prix de la Société italienne de Cardiologie SIC m’a été décerné lors de son congrès annuel à Rome, reconnaissant l’impact de cette découverte dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires. En 2019, j’ai été élue à l’Académie Nationale de Pharmacie (à Paris).
Très récemment, en 2025, en plus de la chaire à temps partiel à SU, j’ai été nommée membre du board de la société internationale d’athérosclérose IAS, représentant le Liban et la région du Moyen Orient.
Pendant ma thèse en cotutelle et toutes mes années en France, les séjours au Liban me permettaient de recruter des familles hypercholestérolémiques, ou atteintes d’autres dyslipidémies rares, surtout que le taux de consanguinité est élevé au Liban, de caractériser l’HF au Liban, d’étudier PCSK9 comme gène modificateur du phénotype, d’inclure les patients libanais dans de grandes études internationales et notamment européennes ou dans des études cliniques avec les anti-PCSK9. Ces recherches entre deux pays ont été et sont fructueuses et intéressantes.
Elles m’ont permis aussi de consolider les recherches entre le Liban et la France, avec 6 thèses en cotutelles entre les équipes parisiennes de Paris Cité, INSERM U1148 à l’hôpital Bichat ou à l’INSERM UMR1166 à SU.
Les enseignements donnés en parallèle au Liban, ont été un moteur pour ma carrière de chercheur. Inspirer les étudiants, les orienter et les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes, sans reculer devant les difficultés, est très gratifiant.
Je répète à mes étudiants que le travail, la ténacité, l’intégrité, la rigueur et la persévérance sont indispensables à la réussite. La recherche est une vocation passionnante qui permet de faire des découvertes, de sauver des vies, de donner un sens réel à la vie.
La découverte de PCSK9 a été une avancée majeure dans la compréhension des hypercholestérolémies familiales. Pouvez-vous expliquer simplement ce qu’est PCSK9 et son rôle dans le cholestérol ?
L'hypercholestérolémie familiale est l’une des maladies génétiques les plus fréquentes. Cette maladie est caractérisée par une augmentation des concentrations sanguines de LDL-cholestérol (cholestérol transporté par les lipoprotéines de basse densité, LDL) et entraîne, en l’absence de traitement, des complications cardiovasculaires.
Ces particules LDL, se fixent sur des récepteurs spécifiques appelés récepteurs des LDL, sont internalisées notamment dans les hépatocytes où elles seront par la suite dégradées. Les concentrations de LDL-cholestérol dans la circulation sanguine seront ainsi réduites. Jusqu’en 2002, deux gènes étaient connus pour être mutés dans cette maladie, le premier est celui codant le récepteur des LDL, et le second celui codant l’apolipoprotéine B, son ligand au niveau des particules de LDL .
PCSK9 est le 3e gène responsable de l’Hypercholestérolémie familiale dont j’ai découvert l’implication dans cette maladie, grâce à des mutations identifiées dans des familles françaises souffrant d’hypercholestérolémie (Abifadel et al., Nature Genetics 2003). Ce gène code une protéine PCSK9 (Proprotéine Convertase Subtilisine Kexine 9), qui est le 9ème membre de la famille des proprotéines convertases.
Pour simplifier les choses, la fonction principale de PCSK9 est de réduire la quantité des récepteurs des LDL à la surface cellulaire des hépatocytes, jouant ainsi un rôle clé dans la régulation des concentrations de LDL-cholestérol dans le sang.
Les mutations appelées gain de fonction de PCSK9 augmentent l’activité de cette protéine, menant à une réduction du nombre de récepteurs des LDL à la surface des hépatocytes, à une internalisation moindre des LDL au niveau du foie. Le LDL-cholestérol en excès va s’accumuler dans la circulation, se déposer au niveau des artères, s’oxyder et entraîner des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral…).
En résumé, PCSK9 est une protéine qui régule la quantité de récepteurs des LDL disponibles pour éliminer le LDL-cholestérol du sang.
Sa découverte a ouvert de nouvelles voies pour le traitement des hypercholestérolémies, notamment par le développement d'inhibiteurs de PCSK9, médicaments qui diminuent PCSK9, empêchent ainsi la dégradation des récepteurs des LDL, augmentant l’internalisation des LDL et aidant à réduire considérablement les niveaux de LDL-cholestérol sanguin, chez les patients à risque et qui ne répondent pas suffisamment au traitement classique par les statines. Les anticorps monoclonaux anti-PCSK9 ont reçu les autorisations de mise sur le marché en 2015, les Arn interférents ciblant PCSK9 en 2021.
Les inhibiteurs de PCSK9 représentent une avancée significative dans le traitement de l'hypercholestérolémie et la prévention des maladies cardiovasculaires. Des études cliniques ont montré que les inhibiteurs de PCSK9 sont, non seulement efficaces pour réduire le LDL-cholestérol, mais qu'ils améliorent également les résultats cliniques en réduisant les événements cardiovasculaires.
De nouvelles études explorent actuellement PCSK9 dans d’autres pathologies : cancer, sepsis, maladies auto-immunes
Quelles synergies espérez-vous créer entre l'UMRS 1166 et les projets de recherche en cours, notamment dans le domaine des maladies cardiovasculaires ?
Ma collaboration avec l’UMRS 1166 et plusieurs de ses membres a débuté depuis de longues années. J’ai fait mes premiers pas dans la recherche en France, lors de mon DEA dans une des équipes dirigées par le Dr John Chapman, (directeur émérite INSERM), qui allait par la suite constituer cette unité, avant de poursuivre en doctorat au sein de l’équipe du Pr Catherine Boileau à Necker. Cependant cette collaboration s’est poursuivie au cours de longues années notamment dans le cadre de recherches sur la maladie de Tangier, avec l’identification du premier patient Libanais atteint de cette maladie rare, ainsi que d’autres patients atteints d’hypoalphalipoprotéinémie recrutés au Liban. Les études génétiques diagnostiques se faisant en collaboration avec le Pr Alain Carrié et les études fonctionnelles cellulaires avec le Dr Wilfried Le Goff. D’autres études collaboratives concernant PCSK9, le métabolisme des HDL avaient été initiées et ont mené à des publications communes. L’investigation de PCSK9 par différentes technologies de pointe comme les omics et dans différentes pathologies étudiées à l’UMRS 1166, se poursuivra et permettra de mieux comprendre l’impact de PCSK9 voire des inhibiteurs de PCSK9 dans les pathologies cardiovasculaires, mais aussi dans les maladies auto-immunes, les cancers ou d’autres pathologies où il peut être impliqué.
La collaboration sur l’axe hypercholestérolémie familiale se poursuit à travers le projet européen que nous avons récemment obtenu et qui regroupe 15 pays dont le Liban dans le but d’améliorer le diagnostic et la prise en charge de cette pathologie qui est encore largement sous diagnostiquée et sous traitée dans le monde. La collaboration déjà existante entre mon laboratoire à l’USJ et l’UMRS 1166 permettrait le recrutement de familles et de patients libanais dyslipidémiques supplémentaires, intéressants du point de vue génétique et de les inclure dans les études qui se font à La Pitié dans le cadre de l’étude européenne intitulée FH-EARLY qui vient de débuter. Les synergies se poursuivront aussi dans la formation d’étudiants qui avait débuté, il y a quelques années, par une thèse en cotutelle avec le Liban, suivie d’un post-doctorat en 2023 et actuellement un stage d’une étudiante en master à Sorbonne Université. Cela encouragera aussi la formation à la recherche de jeunes étudiants passionnés par nos thématiques communes.
L’UMRS 1166, Sorbonne Université, l’INSERM et La Pitié constituent l’environnement scientifique, humain et technologique idéal pour les collaborations et la spécialisation des scientifiques leur permettant de contribuer à améliorer le diagnostic et le traitement de l’hypercholestérolémie familiale, des dyslipidémies et des maladies cardiovasculaires.
Cela favorise le transfert de technologie, de compétences, le renforcement de la francophonie et des relations privilégiées entre le Liban et la France, ainsi que l’ouverture sur une population à fond génétique homogène, avec une prévalence d’une mutation à effet fondateur du récepteur des LDL, causant une forte incidence de l’hypercholestérolémie familiale, et favorisant les études des corrélations génotypes-phénotypes et des gènes modificateurs.
Comment percevez-vous l’évolution des politiques de santé et de recherche sur les maladies cardiovasculaires et le cholestérol ?
L'évolution des politiques de santé et de recherche sur les maladies cardiovasculaires et le cholestérol a été marquée par plusieurs tendances clés au cours des dernières décennies.
Il y a eu ces dernières années de grandes avancées dans le domaine de la recherche, de l’innovation thérapeutique qui ont révolutionné nos connaissances et l’arsenal médicamenteux disponible pour lutter contre les maladies métaboliques telles que le diabète, l’hypercholestérolémie notamment familiale et leurs complications cardiovasculaires.
En ce qui concerne le traitement de l’hypercholestérolémie familiale, les inhibiteurs de PCSK9 ont permis d’abaisser considérablement les concentrations de LDL-C, de réduire les maladies cardiovasculaires et d'affiner les recommandations de traitement.
Les progrès technologiques, le séquençage de nouvelle génération, les progrès de la génomique et les autres omics, ont largement facilité le diagnostic. Les données génétiques et les études de biomarqueurs visent à s’orienter vers une approche plus personnalisée dans le traitement des maladies cardiovasculaires, essayant de prendre en compte le risque de chaque patient et d’adapter les traitements à ses besoins individuels (médecine personnalisée). L'utilisation croissante de la technologie de pointe, y compris la télémédecine, l’intelligence artificielle transforme de plus en plus la manière dont les soins cardiovasculaires sont et seront dispensés.
Une mobilisation nationale et internationale pour assurer et améliorer le diagnostic et le traitement, avec l’établissement des registres de patients, les études européennes à l’instar de celle de la société européenne d’athérosclérose, EAS FHSC, ‘European Atherosclerosis Society Familial Hypercholesterolemia Studies Collaboration’ qui regroupe plus de 50 pays à travers le monde, les recommandations internationales pour le diagnostic et la prise en charge des maladies lipidiques et leurs complications cardiovasculaires permettent des progrès notables dans la lutte contre ces pathologies.
Un effort a été fait pour la Prévention et sensibilisation : Il y a eu un accent croissant sur la prévention des maladies cardiovasculaires, avec des campagnes de sensibilisation visant à éduquer le public sur les facteurs de risque, tels que le cholestérol élevé, l'hypertension, le tabagisme et l'obésité. Les politiques de santé publique encouragent des modes de vie sains, notamment une alimentation équilibrée et l'exercice physique.
Il est à noter que les associations de patients en France, en Europe, aux USA et dans différents pays jouent un rôle de plus en plus important pour améliorer la sensibilisation, la prise en charge et le traitement.
En résumé, l'évolution des politiques de santé et de recherche sur les maladies cardiovasculaires et le cholestérol reflète une approche plus proactive, intégrée et personnalisée, visant à réduire l'incidence de ces maladies et à améliorer la qualité de vie des patients. La France a été pionnière à plusieurs niveaux, notamment avec son excellent réseau de diagnostic de l’Hypercholestérolémie familiale et de recherche, l’histoire de PCSK9 ne fait que le prouver.
Pensez-vous que des avancées supplémentaires sont nécessaires au niveau politique pour soutenir la recherche dans ces domaines ?
L’hypercholestérolémie familiale est la maladie génétique la plus fréquente, elle reste sous diagnostiquée et sous traitée dans le monde. Malgré les progrès thérapeutiques importants ces dernières décennies, l’accessibilité aux traitements reste limitée dans différents pays et régions du monde. Le prix élevé des traitements, notamment des nouveaux traitements, les difficultés économiques dans différents pays, l’inaccessibilité aux soins des plus démunis limitent la disponibilité de médicaments vitaux. Beaucoup de défis subsistent, notamment en matière d'accès équitable aux soins et de lutte contre les inégalités de santé.
Prenons l’exemple du Liban, qui passe par une crise économique sans précédent, l’accès des patients FH homozygotes à la LDL aphérèse a été fortement limité à cause du coût des soins qui n’était plus couvert par l’état, mettant en péril la santé de ces patients ayant des concentrations de cholestérol et un risque de maladie cardiovasculaire extrêmement élevés. Le diagnostic génétique, se fait principalement à travers des projets de recherche assurés par les laboratoires universitaires, comme le Laboratoire de Biochimie et de Thérapies Moléculaires que je dirige au Liban.
Dans les pays comme la France, la consolidation de la recherche, le financement de projets innovants, les politiques facilitant le dépistage, généralisant le diagnostic et encourageant les collaborations entre les universités, les firmes pharmaceutiques et les institutions de recherche, permettent la poursuite des percées thérapeutiques dans ce domaine. Les collaborations internationales notamment avec des pays de faibles revenus mais intéressants quant à leur terrain génétique sont prometteuses.
Pouvez-vous me parler du projet européen sur lequel vous travaillez avec Wilfred Legoff?
Le projet novateur FH-EARLY a été officiellement lancé le 1er janvier 2025, ouvrant la voie à un diagnostic plus précoce, une meilleure identification et prise en charge des risques afin d’améliorer le diagnostic et les soins de l'hypercholestérolémie familiale (FH). Doté d’une subvention de 7,25 millions d'euros du programme HORIZON de l’UE, sur 4 ans, ce consortium réunit 15 leaders mondiaux dans les domaines de la génomique, de l'IA, des soins cliniques et de la défense des droits des patients.
Les Innovations Clés Comprennent :
- Une puce de nouvelle génération pour des tests génétiques plus rapides et abordables
- Un biomarqueur ou signature omique pour une stratification des risques personnalisée
- Des outils d'IA pour des informations exploitables et fiables
Dans une approche centrée sur le Patient, FH-EARLY place les patients et les familles au cœur de son action, co-créant des solutions pratiques, culturellement adaptées et équitables, afin de surmonter les obstacles persistants dans les soins liés à la FH. En améliorant la détection précoce et la prévention, FH-EARLY vise à prévenir les maladies cardiovasculaires, à réduire les crises cardiaques, et à promouvoir la santé cardiovasculaire.
Sorbonne Université, l’UMRS 1166, l’AP HP et l’Université Saint-Joseph de Beyrouth sont des membres principaux de ce consortium porté principalement par la Faculté de Médecine de l’Université du Portugal.