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Retraites des hospitalo-universitaires : vers une correction d’une injustice historique pour améliorer l’attractivité de la profession ?

Comme le confirment toutes les enquêtes réalisées sur le sujet, on observe actuellement et de façon de plus en plus marquée une baisse de l’attractivité du statut hospitalo-universitaire (HU). Cette baisse est particulièrement marquée chez les plus jeunes et s’observe dès l’entrée dans l’exercice hospitalo-universitaire, avec près de 15 % des postes de chefs de clinique et d’assistants hospitalo-universitaires non pourvus. On observe également un nombre significativement croissant de départs du statut hospitalo-universitaire vers d’autres modes d’exercice, soit par démission, soit par mise en disponibilité comme cela est souligné dans le corps du rapport. L’investissement personnel et familial important que suppose le choix d’une carrière hospitalo-universitaire est perçu comme trop lourd par rapport aux avantages qui devraient les contrebalancer par diverses difficultés pour l’avenir dont cette perspective d’une retraite insuffisante et bricolée.
Parmi les facteurs associés à cette désaffection pour la voie hospitalo-universitaire, un régime « défavorable » de retraite est régulièrement et légitimement mis en avant. Il apparait même comme l’élément le plus emblématique, suscitant les réactions les plus unanimes et négatives des HU, à l’origine de la désaffection pour l’exercice hospitalo-universitaire.

Le statut particulier des HU (fonctionnaires titulaires de l’État au titre de l’activité universitaire d’une part et agents publics au titre de leur activité hospitalière d’autre part) aboutit à une retraite dans les régimes publics « amputée » des droits que devrait ouvrir la part hospitalière de leur activité. Ainsi, les taux de remplacement d’une retraite HU sont estimés à 29,6 % du dernier salaire, un niveau très inférieur à ce que l’on peut voir ailleurs, et notamment chez les praticiens hospitaliers qui sont plutôt vers les 44 %. Si le dispositif facultatif d’abondement des plans d’épargne-retraite peut réduire en théorie cet écart, il est trop inefficace pour apparaître pérenne : ainsi, 1 € de cotisation versé dans le cadre de l’abondement crée des droits au mieux inférieur à 33,8 % à ceux qui seraient générés au sein de l’IRCANTEC. Ces constats très négatifs sur la retraite HU sont en plus renforcés par l’absence de prise en compte des activités de permanence de soin (gardes / astreintes) qui ne donnent lieu actuellement à aucun droit pour la retraite pour un HU à l’inverse de leurs confrères PH.

C’est dans ce contexte qu’une mission sur l’amélioration des retraites des HU m’a été confiée.

Les termes de la lettre de mission confiée par le Ministre de la Santé et de la Prévention dit textuellement : « les organisations de personnels médicaux […] ont unanimement signifié leur volonté d’aborder le sujet de la constitution de droits à la retraite des personnels HU titulaires sur la partie hospitalière de leur activité ». Le thème de cette mission définit parfaitement l’objectif à atteindre ! Mais disons-le d’emblée il n’existe pas d’amélioration à coût « zéro !»

Les solutions très partielles et marginales actuellement mises en œuvre ne répondent pas à cet objectif et devaient être transitoires. Ainsi le dispositif facultatif d’abondement de plans d’épargne retraite par l’employeur hospitalier a un impact insuffisant sur la retraite réellement attendue malgré des revalorisations récentes. Quant à l’activité libérale, souvent surestimée et constituant une source complémentaire de retraite, elle concerne moins de 20 % des hospitalo-universitaires et ne peut représenter une solution pour régler cette question.

Suite à la lettre de mission du Ministre de la santé et de la prévention datée du 15/02/2023, une première réunion multilatérale a été organisée en invitant les organisations syndicales représentatives de praticiens et les représentants d’employeurs (SNAM-HP, APH, INPH – SHU, CMH, JM, FHF) en février 2023. Après cette réunion multilatérale qui avait permis d’établir le constat initial et d’écouter les pistes proposées, un cycle de concertation a débuté avec des réunions bilatérales avec toutes les parties prenantes sur la retraite des personnels HU. Ce cycle de rencontres bilatérales a permis de consulter les organisations syndicales représentatives, les représentants des employeurs (FHF, Conférences des DG de CHU) et un certain nombre d’autres acteurs : Conférences des présidents de CME de CHU, Conférence des Doyens de facultés de médecine, CNU-Santé, Direction générale des ressources humaines du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Une nouvelle réunion multilatérale le 15 mars a permis de synthétiser le cycle de concertations et les solutions identifiées pour la retraite des personnels HU qui seront soumises à arbitrages.

Le rapport final a été remis au ministre en juin 2023.

Après consultation de tous les représentants consultés, deux solutions doivent être privilégiées et mises en œuvre :

  • Le retour de la validation des services auxiliaires d’une part (droit supprimé en 2013 ce qui crée un fossé entre anciennes et nouvelles générations et défavorise cette profession titularisée tardivement)
  • L’élargissement des cotisations à la rémunération hospitalière d’autre part. Sur ce point, quatre scénarios sont identifiés, un dans le service des retraites de l’Etat (SRE), 3 dans l’IRCANTEC.

Pour ce qui est de cette dernière mesure, le taux de remplacement passerait de 29,6% à 45-51% selon le scénario retenu.  Cette demande d’un rétablissement d’une retraite adaptée pour les HU est d’autant plus forte que les avancées obtenues lors du Ségur de la Santé ne les concernaient que marginalement.

Ces propositions, si on en attend un effet sur l’attractivité des fonctions hospitalo-universitaires et l’avenir des CHU dans leur triple mission de soin, d’enseignement et de recherche, doivent être mises en œuvre très rapidement. Rappelons enfin également que ces mesures, si elles ne concernent qu’un effectif de 6247 hospitalo-universitaires, auront des conséquences positives en aval pour le système de santé en raison du rôle et de la mission spécifique qu’occupent les HU dans ce système.

Catherine Uzan, Professeur des universités, chef du service de chirurgie et cancérologie gynécologique et mammaire, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP Sorbonne Université