Une fresque de street art sur le campus Saint-Antoine

Cet été, au mois de Juillet, deux artistes de street art, Stéphane Vassilopoulos et Laurent Talon ont orné les murs du nouvel espace étudiant sur le campus Saint-Antoine d'une fresque évoquant la science et la médecine. Les artistes expliquent leur projet dans une interview croisée.

Vous avez réalisé au mois de juillet une fresque sur le site Saint-Antoine, que représente-t-elle ?

Stéphane Vassilopoulos et Laurent Talon : Cette fresque représente artistiquement la vie telle que la voient les scientifiques, du plus petit maillon, les molécules qui forment l’ADN jusqu’au niveau le plus complexe, le tissu intégré en l’occurrence le cerveau puis qui lui-même évolue en intelligence artificielle.La fresque commence à gauche en partant des molécules qui composent l’ADN, les acides nucléiques ou bases azotées A, T, G et C, l’Adénine, la Thymine, la Cytosine et la Guanine qui sont les briques/molécules essentielles qui forment la double hélice d’ADN. Cet ADN qui est chargé de la transmission des gènes est présent dans toutes les cellules, des plus simples comme les cellules de la peau, les fibroblastes, qui s’associent entre eux comme une vague pour former un tissu (à gauche sur le mur central) jusqu’aux neurones (milieu et droite du mur central) qui sont des cellules d’une complexité impressionnante et qui ressemblent souvent à des arbres de par leurs nombreuses dendrites et leur axone central. Ces neurones sont eux-mêmes les cellules/éléments de base qui constituent le cerveau humain, la quintessence de la complexité biologique, représenté sur le mur de droite et dont la première moitié est plutôt organique, connectée aux neurones, alors que la seconde moitié de droite est plutôt électronique (les neurones sont connectés à une plaquette électronique) et symbolise la transition vers l’intelligence artificielle.

Laurent Talon : L'esthétique de ce projet repose intégralement sur la qualité de Stéphane qui a magistralement orchestré cette histoire de la vie. J'étais ravi d'être son commis!

Vous avez une histoire d’artistes de street art, pouvez-vous nous en parler ?

Stéphane Vassilopoulos et Laurent Talon : Nous avons commencé le graff dans le début des années 90. Notre style a été fortement influencé du courant "Wild Style" new-yorkais des années 70 à 80 puis du style de Berlin des années 90 centré sur une étude poussée des lettres et de leur enchevêtrement. Depuis une dizaine d’années, nous avons voulu rajouter un niveau d’abstraction en nous détachant des lettres pour mettre plus en avant les formes, le mouvement et les couleurs sur de plus grandes fresques.

Laurent Talon  : Partant de bases simples et raffinées, le contour des lettres est devenu multiple, voire mutant. Le concept d’intérieur/extérieur a littéralement explosé pour que l’ensemble se fonde dans un continuum esthétique où chacun peut y voir ce qu'il ressent. Les lignes de forces permettent de définir des axes de lecture tandis que les vides mettent en valeur les masses présentes.
 

Vous êtes également des scientifiques, sur quoi travaillez-vous ?

Stéphane Vassilopoulos : Je dirige une équipe de recherche en biologie cellulaire et nous travaillons sur des maladies neuromusculaires (Centre de Recherche en Myologie). Mon équipe de recherche vise à développer des stratégies thérapeutiques pour un jour guérir les patients atteints de ces maladies. Nous utilisons des outils de génétique mais surtout, nous utilisons de nombreux différents types de microscopes pour voir les neurones et les cellules musculaires de patients atteints de pathologies. Justement, ce sont ces images de cellules générées avec ces microscopes qui nous ont poussé à vouloir les représenter sur les murs de Paris en tant qu’œuvres d’art.

 Laurent Talon  : Ingénieur de formation, j’ai longtemps travaillé dans le domaine de la recherche de systèmes de gestion appliqués à la finance (algorithme et système experts). Depuis une dizaine d'années je me suis tourné vers l'étude du fonctionnement de l’esprit et des émotions. Une sorte de recherche du sens de la vie.
 

Est ce que le graff vous permet d’exprimer et de lier vos recherches professionnelles à vos recherches artistiques ?

Stéphane Vassilopoulos et Laurent Talon : Le graff a toujours représenté quelque chose de très distinct de notre vie professionnelle. Nos graffs ont toujours été centrés sur les lettrages plutôt que sur des concepts ou des messages. Depuis quelques années, nous cherchons à les rapprocher. D’une part parce que les objets scientifiques et en particulier les objets biologiques sont beaux! Mais aussi pour partager le niveau des connaissances scientifiques, acquises au cours de ces années, avec le grand public qui souvent ne sait malheureusement que trop peu sur le fonctionnement des cellules...

Laurent Talon : Pour comprendre le fonctionnement d’une lettre ou d’un graff, on peut passer par l’analyse architecturale qui porte le squelette et une autre analyse plus biologique qui porte les formes et textures… Les liens avec la musique sont également nombreux. Tout est lié.
 

Quel est votre nom d’artiste ? Qu’avez-vous également réalisé ?

Stéphane Vassilopoulos : Mon nom d’artiste est Bios/Kerts. Nous avons avec deux autres graffeurs Ante et Tare commencé le graff à Athènes pendant les années 90 et nous avons poursuivi cette activité en France à Paris depuis avec les autres graffeurs membres du groupe.

Laurent Talon :  Je signe “Nok78”. Avec Stéphane nous avons réalisé de nombreuses œuvres, pour nous principalement mais aussi pour des particuliers ou entreprises.