Lydie Uro
Docteure en mathématiques appliquées et étudiante en médecine
Grâce à la modélisation mathématique, nous essayons de reconstituer le visage d’une personne disparue à partir de son crâne.
Étudiante en cinquième année de médecine à l'Université de Paris, Lydie Uro vient de soutenir sa thèse en mathématiques appliquées, une thèse qu'elle a menée au sein de l’Institut des sciences, du calcul et des données (ISCD) 1 sur la reconstitution faciale.
Étudiante en sciences et en médecine, vous venez de soutenir votre thèse en mathématiques appliquées. Pourquoi avoir choisi ce double parcours ?
Intéressée à la fois par les mathématiques et la santé, j’ai suivi à Paris un double cursus sciences et médecine qui m’a permis d’acquérir une bonne culture générale en sciences fondamentales. Les stages que j’ai réalisés, dans ce cadre, en mathématiques appliquées puis en santé publique m’ont confortée dans l’idée qu’il était possible de concilier mes deux passions.
En 2015, j’ai intégré le master 2 de mathématiques appliquées de Sorbonne Université durant lequel j’ai commencé à travailler sur le projet FaciLe porté par l’ISCD. Séduite par l’aspect pluridisciplinaire de ce projet de reconstruction faciale, j’ai décidé de le poursuivre en doctorat, en parallèle de mes études médicales.
Vous avez travaillé durant votre thèse sur la reconstruction du visage. Quel était l’objectif de vos recherches ?
Grâce à la modélisation mathématique, nous essayons de reconstituer le visage d’une personne disparue à partir de son crâne, de manière fiable et objective.
Fondées sur une approche statistique, les méthodes disponibles de reconstruction faciale ne permettent pas toujours d’aboutir à un visage suffisamment précis. Elles proposent des reconstitutions qui reflètent la physionomie moyenne d’un individu de tel âge et de tel sexe dans une population donnée, mais pas les traits significatifs qui permettent d’identifier une personne.
Le projet FaciLe s’est attaché à mettre en place une démarche déterministe pour s’affranchir des problèmes liés aux statistiques. Dans ce cadre, je me suis concentrée sur la modélisation anatomique du masséter, un muscle de la mastication qui joue un rôle important dans la physionomie du visage. À partir de scanners médicaux, j’ai exploré les influences réciproques entre la configuration du crâne, celle du masséter et les traits du visage afin de mettre en évidence des corrélations entre ces différents éléments. Testé sur des squelettes crâniens de la base de données pour lesquels les visages sont connus, l’algorithme a livré des résultats très encourageants.
Si ce projet a commencé avec la médecine légale, il peut bien sûr s’étendre à d’autres domaines comme l’archéologie, l’anthropologie ou encore la chirurgie assistée par ordinateur.
L’ISCD favorise l’interdisciplinarité. Comment s’est-elle traduite au quotidien ?
L’interdisciplinarité qu’offrent les projets de l’ISCD est très stimulante. Des spécialistes de nombreux domaines interagissent : des archéologues, des mathématiciens, des informaticiens, des ingénieurs, des graphistes, etc. Nous partageons des compétences complémentaires qui nous permettent de nous entraider. Pour mon projet, par exemple, des anthropologues m’ont apporté des informations sur les marqueurs ethniques et sexuels que l’on pouvait trouver sur les crânes. Un infographiste, chargé d’un autre projet à l’institut, m’a également aidée à rendre les modèles 3D de visages que j’ai développés plus réalistes.
Quelle spécialité espérez-vous obtenir ?
La radiologie m’intéresse pour poursuivre les questions liées au traitement des images médicales en 3D que j’ai commencées à aborder durant ma thèse. L’épidémiologie ou la santé publique me permettraient également de mettre à profit ce que j’ai appris en modélisation.
Dans tous les cas, j'envisage de réaliser un postdoctorat dans un laboratoire de recherche durant mon internat afin de continuer à travailler avec des équipes pluridisciplinaires. Car ce qui m’intéresse, c’est de développer une compétence transversale afin de faire le lien entre les acteurs d’un projet. J’ai pu constater qu’il est parfois compliqué de faire communiquer des disciplines entre elles, même celles qui semblent proches, comme les mathématiques et la physique. Entre un médecin et un mathématicien, les problématiques du quotidien sont très éloignées. Jouer ce rôle d’intermédiaire est essentiel pour comprendre l’ensemble des points de vue et apporter un regard nouveau qui tienne compte des questionnements de chacun.
L’ISCD a pour mission de fédérer et soutenir les projets interdisciplinaires autour du calcul scientifique, de la simulation et de l’analyse de données. Les applications du numérique en archéologie et anthropologie sont un de ses trois axes stratégiques avec la biologie computationnelle et génomique et les sciences du numérique pour la chimie.
1 ISCD (Sorbonne Université, CNRS)