Étude : Évaluation de la priorisation de la prise en charge médicale des victimes des attentats du 13 novembre 2015
Des membres du groupe de recherche clinique ayant évalué la réponse médicale aux attaques terroristes du 13 novembre 2015 (Raux et al, Intensive Care Medicine 2019) ont analysé la stratégie de priorisation préhospitalière des victimes de ces attentats.
Les résultats de cette analyse permettront de mieux préparer les futurs plans de secours. Ils viennent d’être publiés au sein de la revue European Journal of Emergency Medicine. Ces travaux ont bénéficié d’une aide financière de l’AP-HP et du soutien logistique de la TraumaBase (http://www.traumabase.eu/fr).
Le groupe de recherche a recueilli, de manière anonyme, les données de 337 victimes présentant des lésions physiques, arrivées à l’hôpital entre le début des évènements et le 14 novembre 2015, 23h59. Les décisions de priorisation des soins et d’évacuation (urgence absolue ou urgence relative) prises sur les lieux des attaques ont été comparées à la priorisation établie rétrospectivement par un groupe d’experts, sur la base de l’ensemble du dossier médical.
Les principaux résultats :
- L’utilisation d’une règle de priorisation binaire et simple d’utilisation (urgence relative vs. urgence absolue) a permis la priorisation de 78% des victimes sur les lieux des attentats, proportion très importante compte tenu des conditions ;
- Ces victimes étaient priorisées en urgence absolue dans 28% des cas et en urgence relative dans 72% des cas ;
- Cette priorisation semblait appropriée car la mortalité observée ne différait pas de la mortalité attendue face à de pareilles lésions.
- Cette analyse montre qu’il y a néanmoins des marges d’amélioration, en termes de sous-évaluation de la gravité pour des victimes ayant des lésions du tronc (thorax et abdomen) et de surévaluation de celle-ci pour des victimes ayant des lésions des membres.
- La réalisation d’une nouvelle priorisation chez une partie des victimes lors de leur arrivée à l’hôpital n’améliorait pas la performance de la priorisation préhospitalière initiale ;
- Le choix d’une priorisation binaire semble plus performant que les scores de priorisation existant sur la scène internationale, par ailleurs complexes à mettre en œuvre.
Un groupe de recherche clinique englobant chaque acteur de la prise en charge
Sous la coordination des Professeurs Mathieu Raux et Bruno Riou (Sorbonne Université / hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP / Inserm), les représentants des services impliqués dans la prise en charge préhospitalière (Service Médical du RAID, Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, SAMU de Paris – AP-HP) et hospitalière (services d’urgence, services d’accueil des polytraumatisés des différents hôpitaux civils et des hôpitaux d’instruction des armées appartenant au Service de Santé des Armées) des victimes des attentats du 13 novembre 2015 ont collaboré à cette analyse des décisions de priorisation des soins mises en œuvre lors de ces évènements terroristes.
Le grand nombre de victimes de ces attaques a nécessité le déclenchement des plans rouge et blanc. Ces deux plans ont pour objectif de mobiliser rapidement les moyens médicaux et de secours. Construits selon les principes de médecine de catastrophe, ils sont régulièrement actualisés, en intégrant les résultats des travaux scientifiques les plus récents. C’est dans une perspective d’amélioration des pratiques futures que les membres du groupe de recherche clinique ont souhaité tirer des enseignements de l’analyse de la priorisation de la prise en charge médicale des victimes des attentats du 13 novembre 2015. Il s’agit là d’une démarche habituelle d’évaluation des pratiques médicales.
Utiliser ces résultats pour améliorer la prise en charge des victimes
Ces résultats permettent de tirer des conclusions pour le futur. La priorisation binaire proposée (urgence absolue / urgence relative) est facile à mettre en œuvre et permet de catégoriser correctement la grande majorité des victimes d’un attentat. Elle peut et doit donc être largement utilisée, ce d’autant qu’elle est facile à enseigner. Les patients présentant des lésions du tronc nécessiteront une évaluation plus approfondie afin d’améliorer leur priorisation. Sur le plan pratique, cette catégorisation est facilement compréhensible et utilisable par le grand public, qui est toujours le premier sauveteur sur place, à même de réaliser des gestes salvateurs comme de transmettre une évaluation fidèle de la situation aux secours.
Arthur James, Youri Yordanov, Sylvain Ausset, Matthieu Langlois, Jean-Pierre Tourtier, Pierre Carli, Bruno Riou, Mathieu Raux, for the TRAUMABASE Group.
From Sorbonne Université (A James), UMRS Inserm 1136 (Y Yordanov), UMRS Inserm 1158 (Prof M. Raux) and UMRS Inserm 1166, IHU ICAN (Prof B Riou), Paris, France; Hôpital Pitié-Salpêtrière – AP-HP, Department of Anaesthesiology and Critical Care (A. James, Prof M. Raux; M. Langlois), and Department of Emergency Medicine and Surgery (Prof B Riou) ; Hôpital Saint-Antoine – AP-HP, Department of Emergency, AP-HP (Y. Yordanov); SAMU 75, Hôpital Necker-Enfants Malades – AP-HP (Prof P Carli), Paris, France ; Université de Paris (Prof P Carli), Paris France ; Service Médical du RAID (M. Langlois), Bièvres, France ; Hôpitaux d’Instruction des armées (HIA) du Service de santé des Armées (SSA), Department of Anesthesiology and Critical Care, (Prof S. Ausset), Clamart, France; Brigade de Sapeurs- Pompiers de Paris (Prof JP Tourtier), Paris, France.
DOI : 10.1097/MEJ.0000000000000771
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