Hypertension artérielle : un mélange de polluants aériens pourrait causer des pics répétés d’élévation de la pression sanguine
La pollution de l’air est un des facteurs environnementaux reconnus comme jouant un rôle dans l’hypertension artérielle. Elle est constituée d’un mélange de particules et de gaz dont les effets combinés sur la santé humaine sont encore mal connus. Une équipe de l’Inserm et de Sorbonne Université, aidée de collaborateurs internationaux, a cherché à étudier en continu l’impact dans la vie quotidienne d’un mélange de 5 polluants aériens sur la pression sanguine de 221 participants de l’étude MobiliSense[1] sur le territoire du Grand Paris. Dans deux modèles, l’un prenant en compte les variations des concentrations de polluants dans l’air ambiant, l’autre les variations des quantités inhalées de ces polluants, les chercheurs ont pu observer une association avec des élévations aiguës et répétées de la pression sanguine. Ces travaux parus dans Environmental Research ouvrent la voie à une meilleure compréhension du lien entre pollution de l’air et hypertension.
L’hypertension artérielle est une maladie chronique qui concerne 1 adulte sur 3. Liée à une pression anormalement élevée du sang dans les vaisseaux sanguins, elle peut être à l’origine de complications cardiovasculaires, cérébrovasculaires, voire même neurodégénératives.
De précédentes études ont montré que certaines molécules participant à la pollution de l’air avaient un impact sur la pression sanguine et pouvaient, en conséquence, favoriser l’hypertension. Or, dans la vie de tous les jours, la pollution aérienne à laquelle les personnes sont exposées est en général constituée de mélanges de polluants aériens plutôt que d’un constituant isolé, et ces mélanges sont mal pris en compte dans les analyses déjà existantes.
Une équipe internationale menée par Basile Chaix, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université) a cherché à caractériser les effets sur la pression sanguine de l’exposition dans la vie quotidienne à un mélange de 5 polluants aériens – carbone suie, dioxyde d’azote (NO2), monoxyde d’azote (NO), monoxyde de carbone (CO) et ozone (O3) –chez 221 participants de l’étude MobiliSense.
Afin d’étudier les effets de ce mélange complexe de composants, l’équipe de recherche a développé de nouvelles méthodes de suivi et utilisé du matériel de mesure innovant : chaque participant portait ainsi un appareil de mesure de la pression sanguine ambulatoire[2], deux capteurs portatifs mesurant en continu les concentrations des polluants dans l’air ambiant à proximité de la zone de respiration, un traceur GPS pour appréhender les déplacements, ainsi qu’un accéléromètre permettant de mesurer l’activité physique et d’estimer ainsi le débit respiratoire[3] (c’est-à-dire le volume d’air inspiré ou expiré par unité de temps). Les mesures ont été effectuées sur une journée de la vie quotidienne des participants.
Leur pression sanguine était relevée toutes les 30 minutes afin d’observer le plus finement possible le délai entre les variations de concentration des polluants dans l’air ambiant, la quantité de polluants inhalés estimée et leur impact potentiel sur la pression sanguine.
En savoir plus sur la pression sanguine et l’hypertension artérielle
La pression artérielle résulte de l’éjection du sang par le cœur dans les vaisseaux sanguins et consiste en la pression qu’elle exerce sur les parois vasculaires. Elle est caractérisée par deux valeurs extrêmes :
- la valeur haute ou systole (pression sanguine systolique), mesurée lors de la contraction du cœur. Elle permet la propulsion du sang par l’aorte vers les artères périphériques ;
- la valeur basse ou diastole (pression sanguine diastolique), mesurée lors de la relaxation du cœur. Elle permet aux ventricules cardiaques de recevoir le sang arrivant dans les oreillettes par les veines caves et les veines pulmonaires.
On parle d’hypertension artérielle lorsqu’au repos la pression systolique est supérieure à 140 mmHg et/ou lorsque la pression diastolique est supérieure à 90 mmHg.
Les chercheurs ont observé que, lorsque les concentrations de tous les polluants augmentaient au sein du mélange dans les 5 minutes précédant la mesure de la pression sanguine, une élévation de la pression systolique (voir encadré) était observée. Une association similaire était également retrouvée entre une augmentation de la quantité de polluants inhalés dans les 5 minutes précédant la mesure de la pression sanguine (liée à un accroissement des concentrations mesurées et/ou de l’activité physique et donc du débit respiratoire) et l’élévation de la pression systolique.
« Nous avons choisi de prendre en considération des fenêtres d’exposition courtes (5 min, 15 min, 30 min, 1 h) pour étudier le délai entre l’exposition à la pollution et la réponse de la pression artérielle, précise Basile Chaix. Ici, on observe que l’association est plus faible lorsque l’exposition est observée sur des fenêtres d’exposition supérieures à 5 minutes, ce qui témoigne de l’aspect immédiat de l’élévation de la pression sanguine en réponse à une augmentation des concentrations en polluants aériens dans le mélange étudié », ajoute le chercheur. Il poursuit : « Ces augmentations répétées de pression artérielle liées à l’exposition aux polluants de l’air en milieu urbain lors des déplacements pourraient contribuer, mois après mois et année après année, à une élévation chronique de la tension artérielle. »
Autre observation, lorsque l’on considère dans ces deux modèles la contribution individuelle de chaque polluant à l’effet du mélange sur la pression sanguine, l’ozone et le carbone suie se présentent comme les contributeurs les plus importants à son élévation
Peu d’études ayant utilisé ces méthodes de mesure et de modélisation pour étudier des mélanges plutôt que des polluants isolés, l’équipe de recherche précise qu’elle n’a pas, à l’heure actuelle, la possibilité de comparer ses résultats avec d’autres travaux et que ceux-ci doivent donc être interprétés avec prudence.
Cependant, si ces résultats sont vérifiés, ils pourraient être généralisables aux populations d’autres grandes villes européennes présentant des niveaux de pollution similaires à la métropole parisienne.
Quant aux implications de l’étude, Basile Chaix conclut : « Nos résultats plaident en faveur de la prise en compte de la pollution aérienne comme cause de l’hypertension et pour la mise en place de politiques publiques visant à diminuer l’exposition à cette pollution dans la vie de tous les jours et en particulier à réduire celle issue du trafic routier au cœur de nos villes. »
Pour la suite de ses travaux, l’équipe projette d’explorer les causes et mécanismes physiologiques derrières les associations observées dans cette étude.
[1]L’étude MobiliSense est conduite sur des habitants de la métropole du Grand Paris. Elle a pour objectif d’explorer les effets de l’exposition à la pollution aérienne et sonore sur la santé cardiovasculaire et respiratoire.
[2]Contrairement à la pression sanguine mesurée sur un patient au repos, la mesure de la pression sanguine ambulatoire se fait tout au long de la journée et des activités de la personne, via un appareil portatif
[3]Dans de précédents travaux, l’équipe avait montré que la quantité d’air pollué inhalée n’était pas directement proportionnelle aux concentrations de polluants dans la zone de respiration mais était aussi dépendante du débit respiratoire, qui varie avec l’intensité de l’activité physique. Le débit respiratoire a donc été estimé pour chaque participant à partir des mesures relevées par l’accéléromètre.